La généralisation du télétravail depuis la crise sanitaire a profondément transformé notre manière de fonctionner. Pour beaucoup, travailler depuis son salon, sa chambre, ou une table de cuisine procure une flexibilité appréciée, une économie de temps et une meilleure conciliation vie pro / vie privée. Mais dans ce nouvel espace de travail, la sécurité et le bien-être des salariés ne bénéficient pas toujours de l’attention qu’ils méritent. Trop souvent, on considère que travailler “chez soi” échappe aux règles habituelles de prévention, et pourtant, il devient urgent de s’en occuper.
Au Luxembourg, le télétravail est encadré par l’accord national du 20 octobre 2020, étendu par règlement grand‑ducal signé en 2021 . Cet accord institutionnalise le télétravail en lui donnant un cadre légal clair, y compris dans les cas de télétravail régulier. Contrairement à une idée reçue, cela ne désengage pas l’employeur de ses obligations en matière de santé et sécurité. Selon l’article L.312‑1 du Code du travail, l’employeur doit prendre « toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs », quel que soit le lieu de travail, y compris à domicile.
Même le DUERP (Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels) doit intégrer les risques liés au télétravail : troubles musculo-squelettiques, isolement, stress, équipements inadaptés… Ce document doit évoluer avec l’organisation du travail, pas seulement lors des audits trimestriels.
Statistiques
- Eurofound montre que les télétravailleurs ont vu leur temps de travail hebdomadaire augmenter : alors qu’un salarié au bureau travaille généralement entre 36 et 40 heures, les télétravailleurs peuvent dépasser 46 heures certaines semaines .
- Une enquête de mars 2024 auprès de 383 télétravailleurs révèle qu’ils présentent des risques significativement plus élevés d’origine professionnelle : fatigue visuelle (OR = 3,18), douleurs musculo-squelettiques (OR = 1,58) et détresse mentale (OR = 1,67), comparativement à un groupe témoin.
- Plusieurs revues scientifiques, notamment en 2025, confirment que les environnements de travail inadéquats à domicile, le mobilier improvisé et les postures contraignantes sont directement liés à l’augmentation des troubles musculo-squelettiques.
Ces chiffres ne sont pas anecdotiques, ils reflètent une réalité concrète et préoccupante.
Les institutions comme l’INRS, EU‑OSHA, et les agences nationales recommandent aujourd’hui d’intégrer clairement le télétravail dans les politiques de prévention, avec :
- une évaluation systématique des postes à domicile (ergonomie et risques psychosociaux)
- des formations spécifiques (gestion du temps, pauses actives, posture)
- une accélération de l’élaboration de chartes ou avenants au contrat pour formaliser les engagements de chaque partie
- une vigilance accrue sur la « surcharge invisible » que représente le travail prolongé ou l’impossibilité de déconnexion.
Chez OFSIP, on considère que l’espace de télétravail est un poste à part entière. Voici ce qu’on préconise concrètement :
- Diagnostiquer chaque poste de travail à distance via une grille d’auto-évaluation ergonomique.
- Former les salariés : bien positionner l’écran à hauteur des yeux, régler le siège, espacer les pauses, activer la déconnexion.
- Sensibiliser les managers aux signaux faibles : fatigue, irritabilité, baisse d’implication, hausse du temps de connexion.
- Fournir un kit ergonomique (support écran, repose-pieds, souris séparée…) ou une aide financière pour l’aménager.
- Faire vivre le DUERP en y incluant les risques du domicile et en le réévaluant chaque semestre.
Leviers pour agir efficacement
- L’entrée en scène des avenants de télétravail qui clarifient les responsabilités de chacun, les équipements, la période autorisée, etc.
- Les outils numériques : checklists interactives, questionnaires d’auto-évaluation, consignes ergonomiques accessibles.
- La communication interne : workshops réguliers, retours d’expérience anonymes, partage des bonnes pratiques.
- L’implication RH / SST pour faire du télétravail un vrai sujet de prévention, pas juste un sujet logistique.
Freins à lever
Les freins sont surtout culturels : la perception que “le domicile est privé, donc hors champ”, la crainte de déranger, le manque de budget pour le matériel, la complexité juridique (particulièrement pour les frontaliers, entre télétravail et législation sociale), ainsi que le manque de formation des managers à détecter les signaux d’alerte.
Acteurs à mobiliser
- Employeur / codir : fixer une politique claire, budgétiser les ressources.
- Travailleur désigné / responsable SST : intégrer le télétravail dans le DUERP, suivre les initiatives.
- RH & médecins du travail : former, accompagner, proposer.
- Managers de proximité : surveiller, relayer, dialoguer.
- Télétravailleurs eux-mêmes : être acteurs, responsables, vigilants.
En conclusion
Le télétravail est une progression qui porte beaucoup de promesses : flexibilité, autonomie, équilibre vie pro/perso. Mais cette rupture spatiale ne doit pas être une rupture en matière de sécurité. Le domicile devient un vrai lieu de travail, avec ses propres risques, ses propres routines et ses propres vulnérabilités. Ne pas les inclure dans la politique de prévention, c’est s’exposer à des coûts humains, organisationnels… et juridiques.
OFSIP t’accompagne pour faire du télétravail un investissement sûr, pour le salarié comme pour l’entreprise : parce que la sécurité ne s’arrête pas à la porte du bureau.